Pendant la dernière guerre,
à Gonneville-Saint-Vaast (Calvados), René Frappier
était chef de la gare où il habitait avec sa femme
et ses cinq enfants. Plusieurs employés de la S.N.C.F.
appartenaient à la Résistance, dont deux de ses
collègues, MM. Tréfouel et Manouris ; M. Tréfouel
est mort en déportation et M. Manouris a été
fusillé par les Allemands entre 1942 et 1944.
Dans la soirée du 16 août 1943, dans les environs
de Saint-Vaast, l'armée allemande repère et tire
sur un avion de chasse de la R.A.F. (Royal Air Force) qui explose
; le pilote Norvégien, Soren Liby, réussit à
sauter en parachute et atterrit dans la campagne. " Quelqu'un "
l'a aidé à trouver des vêtements civils et
lui a indiqué la gare. Le lendemain matin, très
tôt, il vint frapper à la porte de la salle d'attente
avant l'ouverture de la gare. C'est madame Frappier qui lui ouvre.
Il parlait allemand, ce qui éveilla la méfiance
du chef de gare et de sa femme...
Pendant que les Allemands battaient la région à
sa recherche, le fugitif est resté caché environ
deux jours dans un champ clos au bout du jardin. En ce jour de
grande canicule, les recherches demeurant infructueuses, les Allemands
rentrèrent dans la cuisine, à la gare. Ils s'installèrent
autour de la table et madame Frappier leur servit à boire.
La conversation allait bon train : " On ne le rattrapera
jamais, il doit être bien loin maintenant… "
Soren Liby était à la même table et ils buvaient
ensemble… Madame Frappier n'avait vraiment pas peur. Elle
parlait d'ailleurs allemand. Quant Soren Liby, il comprenait tout
mais il n'a pas ouvert la bouche pendant tout le temps que les
Allemands sont restés dans la maison. René Frappier
l'a ensuite conduit à Cabourg. Déguisés tous
les deux en paysans, à vélo, ils ont traversé
Houlgate, Dives et surtout le pont de Cabourg gardé par
les soldats aux quatre coins. Ils ont eu la chance de passer avec
tous les gens qui vaquaient à leurs occupations, sans être
arrêtés.
A plusieurs reprises, il y a eu des
parachutistes anglais, canadiens, qui ont pris le train à
la gare de Gonneville, accompagnés de résistants,
toujours habillés en paysans. Au moment du débarquement,
avec quelques membres du réseau, René Frappier est
allé récupérer plusieurs parachutistes tombés
au mauvais endroit, les a rassemblés dans une ferme pour
les conduire en lieu sûr.
A la Libération, les voies étaient coupées,
il n'y avait plus de train. Les Allemands se retiraient mais deux
ou trois d'entre eux étaient restés en arrière
avec la mission de faire sauter le pont au-dessus de la petite
gare de Gonneville. René Frappier, resté seul avec
eux à la gare, tandis que toute la famille s'était
réfugiée dans les carrières où un
hôpital avait été aménagé au
bout du cimetière, leur a servi force cafés-calva.
Ils sont repartis dans un état d'ébriété
tel qu'ils n'ont pas fait sauter le pont !
Marie-France
Flageul-Tsujino
Juin 2001
René Frappier était mon grand-père. Il est décédé en 1995 sans que je puisse malheureusement recueillir son témoignage direct. Pour composer cette page, j'ai donc interrogé sa fille, Jeanne Frappier-Flageul, ma mère. Toutes les activités de son père étant tenues dans le plus grand secret, elle n'a pu raconter que ces faits dont elle a été le témoin direct. Lors de réunions de famille, j'ai moi-même entendu mes grand-parents évoquer leur péripéties durant cette guerre : des Alliés cachés au grenier, dans les toilettes... et qui, s'ils furent âprement recherchés, ne furent jamais trouvés... Sans doute grâce au calva dont ils se sont servis maintes fois pour détourner les mauvais esprits... Mais surtout grâce à ma grand-mère qui maîtrisait la langue allemande, ce qui a permis de sauver bien des situations.
Mon grand-père a reçu des décorations (lors du décès de sa femme, en 1976, il lui a décerné l'une d'elles en affirmant: “ Elle l'a méritée autant que moi ”), des lettres de remerciements et de félicitations, entre autres du Comité Départemental de Libération du Calvados, ainsi que la lettre écrite au nom du Président des Etats-Unis d'Amérique par le général américain D. D. Eisenhower et reproduite ici :
Je recherche les témoignages de personnes ayant connu ou entendu parler de mon grand-père ou des réseaux de résistance dans le Calvados. Merci de m'aider.
Sincères remerciements à Virtedit pour son assistance éditoriale et l'hébergement de cette page.
Marie-France Flageul-Tsujino
Page personnelle
E-mail : mftsujino@yahoo.fr