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Leçon publiée posthumément
sur www.virtedit.org
le 21 juillet 2007
Plan
2) Sur la part d'un " réchauffement
global d'origine anthropique " dans les évolutions
climatiques
Le monde bouge ! Ce n'est en rien un scoop : il a toujours
bougé... L'étude des glaciers est là pour
le prouver. En ce début de XXIe siècle, notre connaissance
du fait glaciaire est, en effet, suffisamment développée
pour nous faire découvrir une histoire particulièrement
riche et révélatrice d'un passé " vagabond
". Le monde bouge... et notre connaissance en la matière
aussi.
La constitution d'un savoir scientifique, quel qu'il soit, se
présente comme un long escalier où chaque marche
constitue un apport nouveau de connaissance. L'histoire de la
glaciologie est révélatrice de cette forme de construction.
D'abord la première marche et les débuts de
la science glaciaire.
Le XIXe siècle venait de commencer. Horace Bénédicte
de Saussure, le grand naturaliste genevois, avait repéré
sur les versants calcaires du Jura des blocs alpins de nature
cristalline (granites, gneiss
), éloignés par
quelque cataclysme de plus d'une centaine de kilomètres
de leur lieu d'origine.
Deuxième marche de l'escalier : quelques années
plus tard, à Edimbourg, le Britannique James Hutton, en
le lisant, pensa que ces blocs de 1500 à 3000 m3 avaient
été apportés par les glaciers : il voyait
d'immenses fleuves de glace descendant dans toutes les directions
vers les basses régions et charriant sur des grandes distances
de gros blocs de granite jusqu'en des lieux éloignés.
Hutton ne poussa pas plus loin son raisonnement, mais l'idée
était lancée.
Elle chemina d'abord avec lenteur : il était, au début
du XIXe siècle, d'autant plus inconcevable de croire à
une extension plus grande des glaciers par le passé, que
l'on pensait alors que la terre se refroidissait au lieu d'acquérir
de la chaleur, et ne pouvait par conséquent avoir eu des
glaciers si étendus.
Tel était l'argument suprême que l'on opposait à
Ignace Venetz, ingénieur géologue suisse, glaciologue
de terrain averti, lorsque celui-ci exposa, en 1828, sa théorie
selon laquelle le transport des blocs erratiques, que l'on rencontre
dans le Jura, est dû à l'extension immense qu'eurent
autrefois les glaciers. La troisième marche de l'escalier
venait d'être franchie !
Quatrième étape. Ainsi va l'histoire ; Agassiz,
trouvant que Venetz n'était pas allé assez loin
dans l'explication, conçut en 1837 l'existence d'une grande
période glaciaire. C'était la glaciation quaternaire
pendant laquelle les glaciers se seraient pratiquement étendus
dans l'hémisphère Nord, du pôle Nord aux rives
de la Méditerranée, de l'Amérique du nord
à la Russie asiatique en passant par l'Europe septentrionale.
La glaciologie était née. On y était. Les
glaciologues travaillèrent sur ces bases conceptuelles
jusqu'au milieu du XXe siècle.
Jusque dans les années cinquante, c'est-à-dire
après la Deuxième Guerre mondiale, on admettait
l'hypothèse d'une glaciation unique (la quaternaire !),
" terminale " d'une longue évolution se prolongeant
sur près de 400 000 à 600 000 ans. À la fin
des années cinquante, c'était encore ce que l'on
enseignait dans les universités, il n'y avait eu, jusqu'à
l'époque, qu'une glaciation, la " quaternaire "
d'Agassiz, la seule et unique. La consultation des livres de l'époque
est là pour l'attester.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'occupation et l'exploitation
des terres polaires et sub-polaires (Nord du Canada, Alaska, Groenland,
Antarctique), la découverte des glaciations himalayennes,
contribuèrent à la mise en chantier d'études
beaucoup plus pratiques sur le monde glaciaire : constructions
d'habitations, de routes, d'aérodromes et recherches scientifiques
classiques, mais aussi questions de génie civil et militaire.
Elles éveillaient la curiosité des chercheurs sur
un certain nombre de phénomènes ou de problèmes...
sur des types différents de glaces et de glaciers aussi,
montrant, entre autres, que l'homogénéité
du monde glaciaire relève bien de l'utopie.
Mais surtout... les yeux curieux de quelques géologues
ou géomorphologues embarqués dans les avions "
alliés " survolant l'Afrique allaient faire le reste
! Ayant repéré des traces glaciaires supposées
avoir appartenu à de vieilles glaciations africaines, ils
mirent plus tard, une fois revenus sur les terrains de leurs exploits
guerriers (mais en temps que scientifiques cette fois) le doigt
dans l'engrenage de ces glaciations du passé - les fameuses
paléoglaciations - dont plus rien ne devait freiner la
découverte.
Jusque là, les glaciologues étaient équipés
contre le froid : bonnet de laine enfoncé jusqu'aux yeux,
veste duvet, guêtres, chaussures de montagne, crampons,
piolet... Et voilà que maintenant, l'archétype vénéré
voyait s'épanouir une secte curieuse de joyeux drilles
glaciologues d'un style nouveau : huluberlus en culottes courtes,
chemisettes et casques sahariens bien vissés sur la tête
pour ne rien laisser échapper de leurs réflexions
étonnées, définirent des glaciations de plus
en plus lointaines : de l'époque primaire 500 millions
d'années, du " Protérozoïque " (de
1500 à 2500 millions d'années, donc deux milliards
cinq cents millions), jusqu'à l'Archéen (de 2,5
à 3, 5 milliards d'années... au moins ! puisque
la plus vieille glaciation reconnue sur terre - localisée
en Afrique du Sud - a près de quatre milliards d'années).
Des preuves tangibles ? Une publication très volumineuse
de 1004 pages en fait foi. C'est une publication de 1981 de Hambrey
M.J. et Harland W.B. Son titre : Earth's pre Pleistocene glacial
record. En trente ans, une communauté de cinq cents
chercheurs répartis de par le monde mais unis par les objectifs
a prouvé la continuité absolue du phénomène
glaciaire depuis la plus ancienne des périodes archéologiques,
le fameux Archéen. C'est la glaciation permanente : où
l'on voit que les déplacements des plaques et non plus
le climat, a été essentielle pour expliquer la position
des continents par rapport aux " aires froides " qu'ont
été de tous temps les zones polaires. À ne
plus vouloir à tout prix expliquer des intervalles de glaciations
mais une présence ou une absence de glaciers, les facteurs
physiques de l'explication prenaient définitivement le
pas sur les facteurs climatiques ou astronomiques invoqués
jusque là.
À des vitesses de déplacement de l'ordre de
1 à 10 centimètres par an et sur un laps de temps
de 500 millions d'années (pour la proche époque
primaire !) cela fait un bourlingage continental sur près
de 5000 kilomètres. Ce n'est plus la dérive cela
devient la " valse " des continents. Sur 4 milliards
cela ferait huit fois plus : donc 40 000 kilomètres, pratiquement
la circonférence de la terre. Et dans le même temps,
les courants marins se forment et se déforment au gré
des dérives continentales, mobilisant en des latitudes
et des lieux variés leurs immenses potentialités
thermiques.
En glaciologie comme en géologie l'échelle de temps
peut se chiffrer en périodes immensément longues.
Comme le disait alors (fin des années cinquante) un de
mes enseignants grenoblois, le géologue Léon Moret,
" une génération, une vie, des siècles
mêmes sont des durées insuffisantes pour apprécier
les effets de certains phénomènes géologiques
et là, plus qu'ailleurs l'observateur doit faire abstraction
de son échelle humaine de durée ". Mes premières
remontées dans le temps ont été dans un premier
temps les sauts de puce que j'ai pu réaliser grâce
à la reconnaissance sur le terrain des cortèges
de formes et matériaux liés aux anciens glaciers
alpins (moraines, terrasses fluvio-glaciaires, roches moutonnées,
blocs erratiques) et abandonnées par eux aux premières
grandes fontes.
En voisin, j'avais rendu visite à ce bloc de légende
délaissé sur les marges du Massif central à
la Croix Rousse à Lyon par le glacier du Rhône pléistocène,
au maximum de sa puissance (Günz).
Avec Albert Bezinge, en Suisse, je m'étais passionné
pour les vieux troncs retrouvés sur les délaissées
glaciaires : troncs que nous faisions dater au carbone 14, afin
de reconstituer la période holocène et retrouver
les environnements climatiques s'étant succédés
depuis 10 000 ans.
En mission en Amérique du Sud, j'étais monté
sur la Meseta Desocupada et sur les flancs du Cerro del Fraile
(50°33'S, 72°40'W) en Patagonie argentine. Non loin des
lacs Viedma et Argentino, à quelques encablures des spectaculaires
glaciers d'Uppsala et Perito-Moreno, accompagné par le
glaciologue G. Rabassa et ses collègues argentins, j'avais
découvert ces moraines pliocènes miraculeusement
conservées entre des couches basaltiques et datées
de 3,6 millions d'années. Plus tard, près du lac
Buenos Aires nous avions recueilli religieusement quelques échantillons
d'une moraine plus vieille encore : plus de 6 millions d'années.
Plus loin encore dans le temps, mais dans l'hémisphère
Nord - au Spitsberg, par 78° de latitude Nord - cette fois-ci,
je devais faire d'autres découvertes. Aujourd'hui recouvert
à 80% par les glaces, cet archipel portait au tertiaire
inférieur des forêts plus riches en espèces
que celles d'Europe centrale aujourd'hui. Avant de partir en mission,
j'avais reçu, des mains d'un ami, un magnifique ouvrage
publié en 1864 par l'Académie Royale des Sciences
de Stockholm (Suède) : Mémoires et observations
scientifiques (géographiques, géologiques, paléontologiques
et botaniques) des îles du Spitsberg. Il présentait
des planches de fossiles végétaux et animaux rappelant
des climats plus tempérés, voire plus chauds. Sur
le terrain nous devions retrouver certains de ces témoins
d'une période révolue ; une période "
chaude " qui avait permis la croissance de plantes complètement
absentes (et pour cause !) aujourd'hui : pins, sapins et ifs,
mais aussi tilleuls, hêtres, peupliers, ormes, chênes,
érables, lierres, prunelliers, noisetiers, aubépines,
viornes, frênes ; des plantes thermophiles comme les nénuphars,
les noyers, les cyprès des marais, les séquoïas
géants, les platanes, les châtaigniers, les magniolas,
la vigne et même des plantes tropicales ou sub-tropicales
comme le sagoutier, le gingko ou les fougères arborescentes
(décrites par A. Wegener en 1937).
Cette végétation laissait à supposer que
régnait sur le Spitsberg à cette époque un
climat dont la moyenne annuelle des températures était
de +20°C supérieure à la moyenne actuelle enregistrée
dans le Kingsfjord. Les causes de cette considérable variation
climatique ? Rien de sûr : déplacement vers le Nord
de la plaque continentale portant le Spitsberg ; changements de
position et d'intensité des courants marins... tout à
la fois ?!
Je savais que dans le même temps, l'Afrique (le continent
resté le plus longtemps englacé) avait enregistré
des modifications tout aussi considérables. Dès
1980, M. Deynoux, dans sa thèse, décrivait une glaciation
d'inlandsis, d'âge primaire (entre 200 000 et 500 000 ans)
ayant affecté la Mauritanie et les territoires alentours.
J.M. Hambrey et W.B. Harland dans leur ouvrage collectif publié
en 1981 - cité plus haut - enregistraient le continuum
complet des glaciations dont on avait retrouvé les empreintes
sur tous les continents... Les plus anciennes ? Celles attestées
par des dépôts (de type " tilloïde
") datés de près de 4 milliards en Afrique
du Sud.
Le lecteur aura compris que ce sur quoi nous voulons insister
ici est la continuité sans faille du phénomène
glaciaire depuis l'Archéen, la glaciation permanente. Le
film de la glaciation permanente n'a pas été à
épisodes : le tournage en a été permanent.
Seuls les lieux de tournage ont changé ; mais quelquefois,
la pellicule a été égarée...
Concomitamment, nous souhaitons insister sur la multiplicité
des exemples - et ceci à toutes les échelles des
temps historiques - qui soulignent les fluctuations climatiques
souvent importantes (largement aussi grandes sinon supérieures
à celles que nous enregistrons depuis la fin du petit âge
glaciaire - dernier quart du XIXe siècle -) : au hasard
des lectures, chacun pourra faire sienne l'opinion selon laquelle
en des temps où l'anthropisation de notre monde en était
à sa plus simple expression (donc inopérante sur
les grandes évolutions naturelles), ont été
enregistrées des fluctuations glaciaires de la plus grande
importance.
Il y a plusieurs millénaires (pendant l'holocène
c'est-à-dire les 10 000 dernières années),
la croissance de pins cembro, pins à crochets ou mélèzes
à des altitudes et en des lieux et temps bien connus, là
où aujourd'hui ne se rencontrent que glace et rochers,
est un fait avéré. Quand il y avait des arbres à
la place des glaces ! Il y a quelques années, Albert Bezinge
signalait la découverte à deux cents mètres
du front du glacier du Gorner, au Mont Rose, d'un tronc daté
de 8200 ans, confirmation de l'existence passée d'une période
plus chaude que la nôtre puisqu'elle a permis la croissance
d'arbres de belle taille et de longue vie (500 à 1500 ans).
Il y a une trentaine d'années, les travaux du chercheur
suisse Friedrich Röthlisberger - sur les vestiges archéologiques
de terrains et les troncs fossiles retrouvés dans les moraines
- ont mis en évidence l'existence de périodes où
les glaciers étaient très en recul par rapport à
aujourd'hui. Ainsi a-t-il montré que si, à la période
romaine, les glaciers de Zermatt avaient la même extension
qu'en 1920, au Moyen Âge (vers 1400) les langues de glaciers
de Ferpècle et de Z'mutt se trouvaient à près
de deux kilomètres en retrait par rapport à leur
position de 1974, date de ses observations.
Les exemples de ces fluctuations glaciaires sont multiples ; j'ai pu les analyser dans les Andes (1980), dans les montagnes Rocheuses (1977), en Himalaya (1968-1969), dans le Caucase (1974), en Scandinavie... et surtout dans les Alpes qui étaient, entre temps, devenues le terrain des recherches que j'entreprenais pour la réalisation de ma thèse d'État. Partout, les témoignages géomorphologiques, les chroniques locales, les photos, les cartes, mes différentes rencontres avec les glaciologues travaillant sur le terrain, mes propres observations... m'ont permis de cerner les évolutions d'ensemble autant que les oppositions de comportement. Les glaciologues suisses ont un registre continu.
Avec l'accroissement de la population mondiale et le développement de la civilisation industrielle, La fin du XXe siècle a-t-elle fait fondamentalement bouger la hiérarchie des causes et des conséquences des évolutions de notre globe terrestre et a-t-elle pu prendre le pas sur les fluctuations naturelles décrites plus haut ? D'aucuns le pensent et mettent en avant le fait que l'augmentation des gaz à effet de serre (à 70% représentés par le CO2), par l'augmentation concomitante des températures qu'elles génèreraient, est à elle seule capable de commander les évolutions climatiques actuelles et futures. Mais rien ne prouve l'exactitude de cette relation !
" C'est une fable que tu nous as racontée,
dit avec mépris le berger peuhl.
- Oui, répliqua le chasseur de crocodiles,
mais une fable que tout le monde répète... ressemble
fort à la vérité ! "
J. et J. Tharaud, La randonnée de Samba Diouf, Fayard,
1927.
Il faut remonter au début du siècle pour bien
saisir la situation.
Au départ, une caution scientifique au-dessus de tout
soupçon ! Svante Arrhénius (1859-1927), prix Nobel
de chimie en 1903, fait l'hypothèse que la combustion du
charbon, du pétrole, du gaz peut aboutir à rejeter
suffisamment de CO2 pour réchauffer la terre (le CO2 pouvant
absorber de fortes quantités de chaleur). Il estime que
le doublement du taux de CO2 pourrait entraîner une élévation
de température de 4 à 6 degrés centigrades.
Soulignons une chose importante : faute de moyens pour vérifier
sur la durée la validité de ses observations, jamais
Arrhénius n'a envisagé ses conclusions autrement
que comme une hypothèse.
Dans les mêmes conditions, trois-quarts de siècle
plus tard, l'hypothèse est devenue une certitude. Une génération
de chercheurs travaillant en Antarctique et disposant de carottes
de glace de près de 3 milliers de mètres de longueur,
permettant de mesurer près de 500 000 ans d'évolution
des quantités de CO2 dans la glace, imaginent, à
l'aide de modèles sophistiqués, pouvoir reconstruire
les fluctuations du climat sur plusieurs centaines de milliers
d'années ; " un " climat (celui de l'Antarctique
?) perçu à travers le spectre des seules températures
calculées... et non pas mesurées !...
On doit comprendre qu'en France, où la sophistication
des calculs est de mise, le résultat revient au bout du
compte à appliquer une simple règle de trois à
base de CO2 et de degrés centigrades et que la relation
ne peut être que positive !... Le " parallélisme
" des variations de la température et du CO2 deviendrait
soi-disant la preuve d'une relation linéaire entre les
différents paramètres. Ce n'est pas le cas.
Le scénario " effet de serre ", et notamment
la relation entre le CO2 et la température, ne résume
pas l'évolution thermique : d'autres facteurs interviennent
qui n'ont pas été jusque là pris en compte
par les modèles : mode de circulation des masses d'air,
des courants marins (et en particulier du Gulf Stream), dynamique
des précipitations, indice ONA, etc. D'où les nombreuses
incohérences soulignées çà et là
par les climatologues (E. Leroux).
Dans la relation réelle entre CO2 et température
(mieux appréciée car calculée mais aussi,
maintenant, mesurée) les entorses sont notables :
- entre 1918 et 1940, fort réchauffement, du même
ordre de grandeur que celui des dernières décennies...
mais le taux de CO2 n'a alors progressé que de 7 ppm (de
301 à 308). L'année 1950 représente le minimum-minimorum
du recul glaciaire du 20e siècle et plus généralement
de l'évolution des glaciers au cours des quatre derniers
siècles ;
- de 1940 à 1970, la hausse de CO2 a été
de 18 ppm (308-326) mais la température ne s'est pas élevée...
et les glaciers alpins ont avancé ;
- seule la hausse de température des années 90
coïncide avec une hausse du CO2 (plus de 22 ppm) et à
un recul majoritaire des glaciers.
Mais déjà d'autres comportements se font jour...
À une toute autre échelle de temps et en d'autres lieux, J. Severinghaus, pourtant tenant du réchauffement global, annonce des absences de synchronisme de l'ordre de 800 ans de retard du CO2 sur le début de l'augmentation des températures. Le CO2 ne déclenche pas le réchauffement mais joue le rôle d'amplificateur, une fois que celui-ci est en cours... " Pour résumer, le retard du CO2 sur la température ne nous renseigne pas sur le réchauffement global actuel ". J. Severinghaus, qui est océanographe, a son explication. Ces 800 ans seraient équivalents au temps nécessaire pour ventiler l'océan profond sous l'effet de courants océaniques. Le CO2 serait stocké dans l'océan profond au cours des périodes glaciaires puis réinjecté dans l'atmosphère lorsque le climat se réchauffe.
Les choses se compliquent ! En effet, il y a un autre point
d'étonnement : les modélisateurs ont imposé
depuis les années 80 le concept d'évolution "
globale " du climat, le globe étant censé évoluer
dans son ensemble et dans le même sens : celui du réchauffement
(avec toutefois des intensités différentes en fonction
de la latitude). C'est faire preuve d'une méconnaissance
totale de la climatologie mondiale faite d'évolutions le
plus souvent contradictoires et qui, en aucun cas, ne peuvent
se transcrire et s'apprécier sous forme de moyennes (moyennes
dans le temps et dans l'espace !) et pour les seules températures.
" Une moyenne hémisphérique et a fortiori globale
de la température reconstituée à partir des
observations, faite d'évolutions contraires, n'a qu'une
valeur statistique, comptable, mais elle n'a, à l'évidence
même qu'une signification limitée, voire aucune signification
climatique " (Leroux 2003).
Mise à mal, " la théorie " pourra-t-elle
encore longtemps nous imposer son monolithisme de pensée
et ses certitudes ? La recherche scientifique, surtout lorsque
France touche à un monde aussi éminemment complexe
que le climat et la glaciologie, s'accommode mal de simplifications
et de schématisations. Beaucoup de scientifiques, séduits
au départ par l'efficacité du modèle, commencent
à s'en apercevoir et à douter. Dans le domaine qui
est le nôtre, où chaque glacier est un cas d'espèce,
il nous est difficile, on a vu pourquoi, de ne rien dire contre
ce discours triomphant prêchant l'échauffement global
et le recul programmé des glaciers de par le monde.
Qu'en est-il du prétendu " réchauffement
global d'origine anthropique " et de la disparition programmée
des glaciers alpins ?
Notre démonstration se fera en cinq points :
- retour à une évidence : l'exception climatique
de 2003 et des années chaudes ultérieures se situent
bien dans la normalité du climat tempéré
;
- " Ce qui est dit partout, par tous et... toujours, a toutes
les chances d'être faux " écrivait Paul Valéry.
Un discours bien huilé mais géopolitique plus que
scientifique ! ;
- l'expérience de terrain... Mais que disent donc les
glaciers ? ;
- pourquoi cette perception apparemment erronée de la
réalité-terrain ? " Tout le monde ne peut pas
se tromper... " Et pourtant ! ;
- non, les glaciers alpins ne peuvent pas servir de preuve ou
d'alibi à l'identification de la part anthropique d'un
soi-disant réchauffement " global " engendré
par les industries humaines.
1) Retour à une évidence : " L'exception climatique " de 2003 se situe bien dans la normalité du climat tempéré.
Ainsi va la vie sous les latitudes tempérées
où, en matière de climat, l'exception confirme souvent
la règle... et où, à chaque fois, chacun
s'étonne et s'inquiète de ces " exceptions
" qui pourraient devenir la réalité de demain.
Au XVIIe siècle déjà, Madame de Sévigné,
depuis le château de Grignan, évoquait ces "
dérèglements du climat ". Mais bien avant elle,
les chroniques avaient souligné les facéties du
climat de l'ouest européen marqué, comme le disent
les scientifiques, par de " fortes variabilités interannuelles
" : périodes de grande sécheresse, phases de
forte chaleur, hivers sans neige ou hivers tardifs, années
pluvieuses ou hivers précoces et fortement enneigés,
tempêtes... et bien après elle, les phénomènes
climatiques rares perdureront !
a) Dans la Drôme
Grâce au recueil d'observations météorologiques
de l'an 359 à l'an 1900 rassemblées par Albert Gourjon
(Valence 1968) et aux richesses publiées dans le Bulletin
de la Société archéologique et de Statistique
de la Drôme, nous savons que ce département n'a pas
été exempt de canicules et sécheresses telles
que celles que nous avons endurées en 2003... et que cette
année-là n'a pas constitué une exception.
Quand bien même il est difficile, à distance, d'apprécier
le contenu d'informations peu documentées, les situations
exceptionnelles telles qu'elles sont relatées, se sont
succédé à un bon rythme pendant des siècles
: en l'an 627 avec " des sources qui se tarissent et de nombreux
morts de soif " ; en 640 où l'on enregistre des chaleurs
tropicales : " les hommes et les femmes tombaient morts n'ayant
plus en bouche la salive nécessaire " ; en 850, famine
résultant de la chaleur et de la sécheresse enregistrées
; en 987 " chaleur épouvantable déclenchant
une famine qui durera cinq ans " ; en 995, été
excessivement chaud au cours duquel " les arbres s'enflammaient
spontanément " ; puis en 1000, 1135, 1232, 1393, 1473,
1504, 1518, 1540, 1583, 1605, 1612, 1642, 1660, 1681, 1706, 1719
(" 1719 fut une des années les plus sèches
et les plus chaudes qu'on ait encore vue en France ")...
et ainsi de suite : plusieurs fois par siècle en moyenne,
de graves canicules ont sévi sur le Sud-Est français.
b) Dans les Alpes
Les Archives de la Société des Amis du vieux Chamonix et celles des Préfectures et sous-préfectures de Savoie et Haute-Savoie regorgent également de témoignages précieux sur les hivers tardifs par exemple. Par chance, cela s'est passé en des temps où les sports d'hiver ne représentaient pas le gros de l'activité économique de la Vallée et dans un temps où l'année " commençait bien " lorsqu'il n'y avait pas de neige !
En 1172, la douceur de l'hiver permit aux arbres de se couvrir
de feuilles ; les oiseaux couvèrent et eurent des petits
en février.
1289 n'eut pas d'hiver.
En 1538, les jardins furent fleuris en janvier.
En 1556, il n'a pas plu du vendredi saint à la Toussaint
sauf quelques heures le jour de la fête Dieu. Dans tous
les villages les gens allaient en procession pour implorer la
pluie.
L'hiver de 1572 fut la reproduction de celui de 1172.
À Pâques 1585, il y eut des épis.
1605, 1607, 1613, et 1617 se firent remarquer par leurs hivers
très doux. Il n'y eut ni gelée, ni neige en 1659.
1744 : " L'an 1744 commença par un beau temps.
On eut très peu de neige. Les mulets roulaient facilement
toute la commune aussi librement qu'au mois d'août. Jamais
homme vivant n'avait vu un temps si agréable dans cette
saison. L'hiver commença le 9 mai... "
1765 : " L'année 1765 débuta sous d'heureux
auspices car depuis le 10 décembre jusqu'au 30 janvier
on eut une température délicieuse. Le 24 février
on partit pour aller travailler les vignes à Martigny...
"
1783 : " Pour à l'égard de l'hiver, il fut
tout à fait léger jusqu'au commencement du mois
de mars, qui fit une grande quantité de neige le premier
et le second jour... "
1797 : " Janvier, léger, de même en février...
Puis beau temps continu en février-mars. Hiver remarquable
: manque de neige pour la luge ; début des labours le 8
avril. "
1815 : " L'an 1815 commença bien et fut beau jusqu'au
11 mars où il tomba beaucoup de neige. Nous avons commencé
de semer début avril. "
Les 16, 17 et 18 juin 1771, il tomba, dans les montagnes du
Chablais, une si grande quantité de neige que les cornes
des vaches inalpées depuis deux jours apparaissaient à
peine au-dessus de cette couche. L'hiver qui suivit cette triste
saison fut cruel.
1776. Dans le courant de février, il tomba au Val de Tignes
une si abondante quantité de neige que les habitants d'environ
cent ans n'en avaient jamais vu de cette hauteur, qui allait à
près de 12 pieds dans la plaine.
Depuis 1776 jusqu'en 1781 il se produit une série d'hivers
précoces.
1794. Il est tombé à Annecy et sur le Genevois
une neige abondante qui fit verser les moissons et subsista pendant
deux jours. L'hiver fut long et dur. Du 17 décembre 1794
au 5 mars 1795, le froid fut presque continuel et il tomba tant
de neige que les routes de la région annecienne furent
impraticables.
1811. Au début d'avril il est tombé une très
grande quantité de neige dans les plaines et les montagnes
du Mont-Cenis et de la Haute maurienne. Etc.
La période post petit âge glaciaire (P.A.G.) se
caractérise de nouveau par des températures douces
et des chutes de neige limitées (l'hiver 1859-1860 a été
marqué par la clémence extrême des températures
: la neige n'a pas blanchi une seule fois les toits de Grenoble).
Que disent les chroniques lorsque dans ce siècle de décrue
que constitue le XXe siècle ? On enregistre une avancée
glaciaire telle celle qui a culminé en 1920 : " En
1918, dans le Sud du Grésivaudan, l'année a commencé
par des températures très basses et des chutes de
neige abondantes. En avril, le froid était de retour compromettant
la récolte des arbres fruitiers. Mi-octobre, la neige recommençait
à tomber contrariant la récolte des noix ".
N.B. : Certes ce ne sont là que des témoignages de chroniques et sans doute ne peut-on pas leur accorder tout le crédit scientifique que l'on est en droit d'attendre de données climatiques fiables. Mais sait-on que la première station météorologique installée en France l'a été au parc Montsouris à Paris au tout début du XIXe siècle et qu'en montagne, les quelques stations qui fonctionnent encore ont été installées, au mieux - l'exception confirme la règle - dans la deuxième partie du XXe siècle ?
c) Sur le territoire français
Au XXe siècle, les périodes de sécheresse
vinrent pareillement bouleverser le bel ordonnancement du climat
français.
1921 est le cur d'un épisode sec qui s'étend
sans interruption d'octobre 1920 à mars 1922. La Loire
à Blois connaît un déficit de 57% sur ses
débits moyens.
1949. La Loire connaît ses débits d'été
les plus faibles du siècle tandis que toute la décennie
1940-1950 connaît des sécheresses successives marquée
par des hivers froids et secs et des étés caniculaires.
Notons que ces années de sécheresse préparent
le grand étiage glaciaire des années cinquante (100%
des glaciers alpins sont en recul en 1950 d'après la commission
glaciologique de l'Académie suisse des Sciences).
1976. La sécheresse est comparable en sévérité
à 1921 mais est moins longue... encore qu'elle dure d'octobre
1975 à août 1976 !
1989. Longue sécheresse de juillet 1988 à février
1990. Le semestre mai-octobre1989 est le plus sec depuis 40 ans.
Du 1er novembre 1988 au 1er décembre 1989 : treize mois
pendant lesquels le déficit global est de 30 % en Bretagne.
Les deux mois de juillet-août ont le même ensoleillement
que 1976 mais septembre et octobre ont un ensoleillement supérieur
de 50% à la normale.
Dans ce XXIe siècle débutant, la sécheresse
de 2003 n'a cédé en rien aux périodes de
chaleur du passé : de mai à septembre pour ce qui
est de la longueur de l'épisode (donc sècheresse
d'été mais aussi de printemps) mais surtout avec
des températures caniculaires en juillet-août (proches
de... et dépassant même 40 degrés centigrades
l'après-midi... en particulier sur le sud-est de la France).
Au jour le jour, les Français ont réappris à
vivre la sécheresse et la canicule : le jour, baisser les
volets tout en laissant les fenêtres fermées ; vivre
dans l'ombre ; puis le soir à la tombée de la nuit
ouvrir tout grand fenêtres et volets pour laisser pénétrer
la fraîcheur nocturne et tout spécialement celle
du petit matin. Survivre en somme, à la calamité...
ce que n'ont pu faire nombre de nos aînés aux organismes
affaiblis et aux conditions de vie difficiles, dans des structures
d'habitation peu adaptées (murs minces, absence de climatisation...).
Le drame sanitaire a été immédiat et implacable
: surmortalité avec 13 500 décès... chiffre
soulignant, si besoin était, le caractère exceptionnel
- social, plus encore que climatique - de l'épisode. Ce
caractère exceptionnel du phénomène "
canicule " rentre bien, on le voit par les exemples présentés
ci-dessus, dans une certaine forme de normalité du climat
tempéré. Normalité donc..., ce serait le
contraire qui serait anormal !
L'absence (relative !) d'hiver pour l'année 2006-2007
relève du même processus. Lorsque Madame de Sévigné
parlait de dérèglements climatiques, elle évoquait
d'éventuelles anomalies physiques, une sorte de "
chaos " dans le Landerneau des climats. Ce qui est nouveau
aujourd'hui, c'est que l'on veut trouver la cause de cette fluctuation
climatique dans le contexte économique et social de nos
sociétés industrielles (c'est-à-dire hors
de la sphère astro et géophysique). Faire de l'événement
exceptionnel, le point de départ d'une évolution
inexorable où les activités anthropiques joueraient
désormais le rôle essentiel. Glissement sémantique
: la " fluctuation climatique " des uns est devenue
le " réchauffement global " des autres. Et dans
la discussion engagée, les fluctuations glaciaires (qui
apparemment, pour certains, ne peuvent plus être que négatives
!) sont apparues très souvent comme la seule preuve évidente
de ce fameux réchauffement global qui affecterait aujourd'hui
notre planète Terre.
Or, il en va des glaciers comme des fluctuations climatiques
: notre connaissance du passé glaciaire est là pour
prouver que les glaciers du monde ont déjà connu
des hauts (très hauts) et des bas (très bas) et
que la situation et l'évolution des glaciations dans le
monde en cette fin de XXe siècle n'annonce rien de particulièrement
catastrophique !
2) " Ce qui est dit partout, par tous et... toujours, a toutes les chances d'être faux " écrivait Paul Valéry. Un discours bien huilé mais géopolitique plus que scientifique !
Depuis bientôt un quart de siècle s'est mis en
place un discours " mondialiste ", discours ambiant
auquel personne n'a pu échapper, selon lequel " la
Terre enregistre depuis quelques dizaines d'années un réchauffement
de l'atmosphère (de l'ordre de 1,5°C à 2°
ou même 5°C pour le siècle... selon les scénarios),
réchauffement - dit " global " - dû à
l'augmentation dans l'atmosphère des gaz à effet
de serre produits par les industries humaines : C02, CH4, CFC...
La preuve ? Les glaciers fondent, le niveau de la mer s'élève
; mieux ! Les glaciers - et tout spécialement ceux des
Alpes - sont, à court terme, menacés de disparition.
"
D'abord, en matière scientifique, les " moyennes
" ne veulent rien dire. Comme nous l'avons évoqué
plus haut, elles peuvent recouvrir des états et des notions
complètement contradictoires (ex. suite à la déglaciation
quaternaire il a été enregistré aux latitudes
moyennes des transgressions marines tandis qu'aux latitudes polaires
au contraire, la conséquence a été le phénomène
de landhöjning = allègement, donc avec émersion
des terres et " terrasses soulevées "). Incontestablement,
l'utilisation abusive des " moyennes " nuit à
la crédibilité de certains modèles.
La " mondialisation " en matière de climat est
un leurre. Elle n'existe pas.
Les évolutions des climats de notre planète ne
se font, ni de manière concomitante, ni de façon
homogène. On le redécouvre aujourd'hui avec le concept
de NAO (Oscillation nord atlantique des valeurs de la pression
atmosphérique) qui analyse les comportements climatiques
souvent contradictoires du Nord et du Sud de l'Europe ; comme
existent des oppositions entre Amérique du Nord et Europe,
entre le domaine antarctique et le reste du monde.
En octobre 2005, les équipes nationales de ski se plaignaient
de ne pas pouvoir faire d'entraînements : parce qu'il y
avait trop de neige dans les Alpes Orientales... et pas assez
dans la vallée de Tarentaise (P. Jolly, Le Monde). En 2005-2006,
pendant que l'Europe subissait une vague de froid sans précédent,
l'Australie enregistrait des records de chaleur générateurs
d'incendies monstres, etc.
On comprendra qu'il est complètement erroné de
vouloir étudier les variations des glaciers de montagne
des régions tempérées au vu des seules courbes
de température (et les précipitations alors, si
importantes pour expliquer la vie d'un glacier ?) et des seules
évolutions de l'environnement chimique des régions
polaires.
Par ailleurs, il faut bien avoir en mémoire que si un
réchauffement peut provoquer aux latitudes moyennes une
fusion accélérée des glaciers (canicules
1976 et 2003 !), au contraire, dans les zones froides à
températures négatives, il signifie, le plus souvent,
une augmentation des précipitations neigeuses donc à
terme, une crue glaciaire.
Pour certains glaciers alpins et pour les glaciations d'inlandsis
(travaux de la NASA au Groenland), les conclusions des études
de bilans glaciaires sont à nuancer : des bilans positifs
peuvent correspondre, sur les fronts, à des reculs linéaires
et volumétriques tandis que des bilans négatifs
peuvent fort bien se traduire dans certaines circonstances par
des avancées glaciaires.
Il faut rappeler ici un phénomène souvent méconnu
: dans les pays de mousson (Himalaya), l'accumulation en neige
des glaciers se fait en été plus qu'en hiver, au
contraire des autres régions du monde où l'hiver
est la saison d'alimentation et l'été la saison
d'ablation. Et avec tout cela, on voudrait que les glaciers obéissent
au doigt et à l'il aux fluctuations climatiques !
Ensuite, les glaciers n'ont pas attendu l'aube du troisième
millénaire, ni le développement des industries humaines
pour fluctuer en fonction du climat. Depuis la fin des temps quaternaires,
la décrue en Europe a ainsi ramené les glaciers
des zones de piémont jusque dans la France de la montagne
alpine... enregistrant alors des fluctuations qui ont été
beaucoup plus importantes que celles enregistrées aujourd'hui,
et en des temps où il n'y avait ni voitures, ni chauffages
urbains, ni aucune autre trace sensible de civilisation humaine
!
En fait, ce qu'il faut surtout savoir, c'est que les glaciers
- surtout les glaciers dits " de montagnes " tels que
ceux que l'on rencontre dans les Alpes - ne sont que des indicateurs
" imparfaits " du climat. D'autres facteurs que le climat
interviennent, en particulier ceux liés au cadre physique
dans lequel s'inscrivent les glaciers (géologie, altitude
moyenne, altitude du front, pente longitudinale, hypsométrie,
couverture morainique, hydrographie...).
On ne peut donc, en aucune façon, faire systématiquement
d'une variation glaciaire (positive ou négative) le test
d'une fluctuation de même sens du climat, donc, a fortiori,
de " l'artificialité " du climat mise en avant
à la fin du XXe siècle.
3) L'expérience du terrain... Mais que disent donc les glaciers ?
Un point d'actualité d'abord : oui, aujourd'hui, beaucoup
des glaciers alpins reculent, comme ils l'ont souvent fait dans
leur histoire ! Mais cela joue chaque année sur des pourcentages
variables de la population des glaciers. Pendant que certains
ou beaucoup de glaciers reculent, certains autres... ou beaucoup
d'autres sont, dans le même temps, en position stationnaire
ou en position d'avancée. Pour bien s'en persuader, il
suffit de consulter le schéma, très pédagogique,
des variations suisses au cours du XXe siècle (in "Les
variations des glaciers suisses ", Revue du Club Alpin Suisse).
Les longueurs des langues des glaciers alpins diminuent, mais
les volumes de glace restants sont encore considérables.
Ainsi, le minuscule glacier de Sarennes (dont beaucoup pressentent
la fin prochaine !) juxtapose aujourd'hui trois sous-bassins où
la glace dépasse encore 70 à 80 mètres d'épaisseur.
À Saint-Sorlin, l'épaisseur maximum relevée
est de 135 mètres (sources : Laboratoire de glaciologie
CNRS) !
L' " holocène " (phase climatique plutôt
chaude) a marqué, depuis 12 000 ans, le grand recul des
glaciers alpins jusqu'à leur position actuelle. Depuis
le Boréal (9000-7000 BP), les glaciers ont oscillé
sur un espace assez restreint, celui des marges des glaciers actuels,
permettant à leurs altitudes une présence continue
des espèces arborées (cf. bois datés C14
in Les glaciers du Mont-Blanc, Vivian, 2005). Après
l'optimum climatique de l'an mil, l'oscillation positive majeure
des glaciers s'est située entre le début du XVIIe
et la fin du XIXe siècle ; c'est la phase que E. Leroy
Ladurie a proposé d'appeler le " petit âge glaciaire
". Nous disposons, pour le massif du Mont-Blanc, d'une documentation
exceptionnelle sur les fluctuations glaciaires (glaciers du Tour,
d'Argentière, de la Mer de Glace et des Bossons) qui nous
permet de visualiser celles-ci, de l'année 1600 à
l'année 2000. Qu'y voit-on ?
Suite à trois siècles de crue marqués par
des hauts et des bas, les glaciers des Alpes ont subi lors du
dernier tiers du XlXe siècle et de la première partie
du XXe siècle (surtout de 1925 à 1965), un intense
recul qui a marqué... et les esprits et les paysages glaciaires...
Faut-il rappeler que les glaciers, de par leur situation, leur
orientation, l'altitude de leur bassin d'alimentation etc., peuvent
se révéler extrêmement vulnérables
aux fluctuations climatiques ?
En 1957, j'ai eu l'occasion de le vérifier sur les
glaciers de Savoie à l'occasion d'une étude que
je leur consacrais. Nous étions alors au terme d'une des
plus sévères phases de recul enregistrée
dans la période historique... et je découvrais avec
quelque inquiétude qu'en à peine trente ans :
- certains petits glaciers avaient disparu (glacier de l'Ouille
des Reys : 35 000 m2 en 1927 et 0 en 1956 ; glacier de l'Ouille
des Pariotes : 96 000 m2 en 1927 et 0 en 1956 ; glacier de la
Pointe de la Lombarde : 102 000 m2 en 1927 et 0 en 1956 ; glacier
de la Grande Felouse : 110 000 m2 en 1927 et 0 en 1957) ;
- d'autres avaient perdu 60 à 70 % de leur surface (79%
au glacier de la pointe de la Balaitta, 78% au glacier du col
de Gontière 69% au glacier de Calabre, 67% au glacier de
la Galise) ;
- d'autres enfin, les plus gros, avaient limité les dégâts
: perte de 25 à 30 % de leur surface : 32 % au glacier
des Sources de l'Isère ; 29% au glacier du Mulinet ; 28%
au glacier des Evettes ; 24 % au glacier des Sources de l'Arc
; 18 % au Méan Martin.
Le pourcentage moyen de perte de tous les glaciers était
de l'ordre de 40 % en superficie.
Au contraire, le dernier tiers du siècle (période
centrée sur l'intervalle 1970-1990) a vu, dans le massif
du Mont-Blanc et dans d'autres régions du monde, les fronts
des glaciers avancer et les volumes de glace s'accroître.
Ne parlait-on pas dans la presse, en 1986, de " nouvelle
glaciation " ?
Que les glaciers reculent ou avancent, il faut se rappeler que
leur comportement ne doit être analysé qu'à
l'aune de la durée (historique et géologique)...
et non de l'année ou d'un tout petit groupe d'années,
voire d'une vie humaine. Le glaciologue suisse F.A. Forel, en
1902, allait plus loin encore, lui qui constatait : " Hélas
! La mémoire de l'homme est bien courte et ses comparaisons
bien incertaines. "
Sinon, il devient facile de prouver tout et n'importe quoi, y
compris de mettre en contradiction avec eux-mêmes les tenants
du tout " réchauffement global dû aux industries
humaines ".
Les glaciers ont été, dans le passé, beaucoup
plus réduits qu'aujourd'hui. À preuve l'existence
de ce village de Saint-Jean-de-Pertuis, aujourd'hui disparu (1),
qui occupait, avant le XIVe siècle, l'emplacement de la
langue frontale actuelle du glacier de la Brenva... Côté
Chamonix, les " villages " de Bonnanay et du Chastelard
près du glacier des Bois, et de la Rosière (près
du glacier d'Argentière) seront pareillement détruits
par les dernières grandes crues du petit âge glaciaire.
(1) C'est Jean d'Arenthon, évêque de Genève et d'Annecy, qui signala ces documents, écrits sur parchemin, datant de 1300 et stipulant l'existence d'une ville qui s'appelait Saint-Jean-de-Pertuis qui aurait été engloutie par un éboulement de la montagne et ensuite envahie par le glacier de la Brenva ; elle devait se trouver en face de Notre-Dame-de-la-Guérison ou de Berryer.
À preuve encore, ces multiples vestiges archéologiques
(pièces de monnaie, vestiges de construc-tions, instruments
divers) révélés çà et là
lors des phases du recul glaciaire récent. Un fort recul
peut ne pas être inexorable et ne doit pas aboutir automatiquement
à la disparition du glacier. Il y a plusieurs millénaires,
la croissance de pins cembro, pins à crochets ou mélèzes,
à des altitudes et en des lieux et des temps où
aujourd'hui l'on ne trouve que de la glace, est un fait avéré.
Les glaciers ont, depuis, reconquis les espaces. Flux et reflux
au fil du temps ; ainsi vivent les glaciers du monde !
Dans le même temps où l'on nous annonçait
qu'à cause des gaz à effet de serre, les années
80 étaient les plus chaudes du siècle (cf. R. Houghton
et G. Woodwell in Pour la Science, 1989, avec comme années
" record " , dans l'ordre : 1988, 1987, 1983, 1981,
1980, et 1986), ces mêmes années 80 étaient
marquées dans les Alpes, sur le plan glaciologique, par
une des deux crues glaciaires les plus significatives du XXe siècle
:
- en France : les glaciers du Mont-Blanc avancent ; sur la rive
gauche du glacier d'Argentière "destruction "
- consécutive à la crue glaciaire - du pylône
de téléphérique situé en rive gauche,
sur la bordure du glacier ;
- en Suisse : crue glaciaire nécessitant la transformation
de la prise d'eau du torrent en prise sous-glaciaire au glacier
de Biferten, bassin de la Linth (cf. photos dans la revue du CAS)
;
- en France et en Suisse : augmentation localisée des
pourcentages de glaciers en crue.
4) Pourquoi cette perception apparemment erronée de la réalité-terrain ? " Tout le monde ne peut pas se tromper... " Et pourtant !
Au moins trois raisons se font jour.
a) D'abord une certaine méconnaissance de la vérité scientifique - la " glaciologie d'autoroute " est mauvaise conseillère ! - et géographique... dont la conséquence est de faire apparaître le glacier comme le simple et seul reflet du climat ambiant.
b) Ensuite, nous l'avons dit, la période de crue des années 80 a été complètement masquée aux yeux du grand public par la réalité de nombreux reculs concomitants (qu'il n'est point nécessaire de nier pour rester dans la normalité millénaire), enregistrés principalement sur de petits glaciers, exposés au sud, de faible altitude moyenne, ou situés en marge de glaciation, mais ne concernant que des volumes restreints de glace. L'exemple souvent invoqué est le petit glacier de Sarennes (50 ha) en Oisans, glacier dont le bilan de masse est mesuré in situ depuis plus de 50 ans (avec 30% de bilans annuels positifs tout de même !). Le phénomène de recul est d'autant plus voyant que le nombre des petits glaciers est important dans les Alpes occidentales (75 % du nombre de glaciers - dont la taille est inférieure ou égale à 50 ha - représentent à peine 19 % du volume de glace accumulée du Leman à la Méditerranée). Par ailleurs, le nombre de petits glaciers s'accroît au cours de la déglaciation (par morcellements successifs des grands glaciers) : il convient donc, pour ne pas trahir la fameuse " réalité-terrain ", d'évoquer des surfaces - ou mieux encore des volumes - plus que des nombres et surtout que des pourcentages de populations de glaciers.
c) Le discours mondialiste " triomphant " , martelé inlassablement, partout et par tous (ou presque !) prêchant le réchauffement global et le recul des glaciers de par le monde (cf. " le discours ambiant " résumé plus haut)... et correspondant, dès les années 80, à la mise en place à Genève, de l'IPCC (lntergovernmental Panel on Climatic Changes ; GIEC en français) et de son discours-programme, géopolitique plus que scientifique.
5) Non, les glaciers alpins ne peuvent pas servir de preuve ou d'alibi à l'identification de la part anthropique d'un soi-disant réchauffement global engendré par les industries humaines.
Le réchauffement d'origine anthropique (dont nous affirmons,
nous aussi, la réalité) reste largement masqué
par les fluctuations " naturelles " du climat... ce
qui, bien sûr, ne disqualifie en aucune façon le
discours et les recherches sur les effets des activités
humaines (CO2, CH4, CFC...) dans les évolutions climatiques
très récentes.
Alors pourquoi cette contradiction entre notre analyse et celle
soutenue par l'internationale écologiste et diffusée
à l'envi par les médias du monde entier (ce qui
ne constitue ni une vérité, ni une preuve, Paul
Valéry l'a dit avant nous !) ? Tout d'abord, rappelons
que le catastrophisme a toujours fait partie du discours scientifique.
En 1901, un géologue grenoblois, W. Kilian annonçait
déjà la disparition prochaine des glaciers alpins
; ce qui poussa le grand glaciologue suisse F.A. Forel à
répliquer, dans la Revue du Club alpin suisse, par un article
retentissant intitulé " Les glaciers alpins vont-ils
disparaître ? ", article dans lequel le Maître
mettait en pièces les arguments de son éminent collègue
!
On part trop souvent du postulat selon lequel il faut faire peur
aux gens si l'on veut qu'ils changent leurs comportements. Le
discours des écologistes est simple, mais aussi schématique...
et pour toutes ces raisons, pas toujours scientifiquement juste
! Ainsi, que penser de ce commentateur-journaliste suisse, défaitiste
en diable, qui assène pour mieux, croit-t-il, nous persuader:
" D'ici l'an 2070, 80% de nos glaciers suisses auront disparu.
" Ou de la publicité utilisée en 2003 comme
appel pour l'exposition " Climax " au Parc de la Villette
: " La terre se réchauffe, les glaciers fondent, la
mer monte. " Ou, mieux encore, de celle du ministère
de l'Environnement (2001) ressassée sur les ondes par un
fringant Fabrice Lucchini : " Plus les voitures avancent,
plus les glaciers reculent. ". Ce discours n'a qu'un seul
objectif : convaincre. Il répond à une noble cause
: la défense de l'environnement ; laisser à nos
enfants une Terre propre. Qui ne peut être d'accord avec
cette profession de foi là ?
Mais l'approche de la relation " glaciers/climats "
tient alors, nous l'avons dit, beaucoup plus de l'argumentaire
géopolitique que du discours scientifique... avec des dérapages
inacceptables car ils conduisent à l'énoncé
de contrevérités scientifiques graves qui, à
terme, ne peuvent que discréditer une cause au départ
généreuse.
Un réchauffement climatique global ? NON. Des changements
climatiques ? OUI.
L'été 2003 a été constamment chaud
avec comme particularité sa précocité (28
mai) son intensité (les jours se suivent à + de
40°) et sa durée (trois mois). Les jours de juin étant
les plus longs, le temps d'ensoleillement quotidien est maximal.
Les nuits sont aussi chaudes que les jours, le sol restituant
la chaleur accumulée la journée. Les appartements
sont transformés en fournaises. Absence de brume et de
rosée matinale, l'air en altitude est anormalement chaud
et sec. La pluviométrie est une des plus basses enregistrées.
(A.D. 2005).
Canicule sur la France ! Oui mais... l'année 2003 n'est
qu'un de ces épisodes extrêmes qui peuvent toujours
survenir chez nous. Il y en aura d'autres ! Mais sans doute aurons-nous
oublié ! Au niveau du drame sanitaire et des problèmes
humains qui ont été rencontrés tout au long
de ce long épisode chaud et sec de 2003, la question qui
se pose à nous est sans ambiguïté : pourquoi
nos modes de vie sont-ils à ce point ignorants des excès
(non anormaux) du climat tempéré dans lequel nous
évoluons ?
Et voilà que l'hiver 2005-2006 nous rappelle à
l'ordre. Froid et neige sur toute l'Europe ; fleuves et lacs gelés,
canalisations éclatées, les " sans domiciles
fixes " qui meurent sur les trottoirs, longueur inhabituelle
de la saison froide (octobre-avril)... Ah bon ! Ça existe
encore le froid ? Où sont passés les partisans du
réchauffement global ? On ne les entend pas ! À
force de nous rabâcher que l'évolution ne pouvait
se faire que dans un sens, celui du réchauffement, des
habitudes étaient en train de se perdre : les états
eux-mêmes, dans leurs perspectives de gouvernement ne traitent
plus avec la même rigueur, les problématiques du
froid. À quoi bon puisque la terre se réchauffe
!
Oui mais... nous voilà en présence d'un hiver 2006-2007
d'une douceur incomparable et des chutes de neige des plus déficitaires.
Alors, anormal ? La réponse est toujours : NON.
Les scientifiques qui ne s'appuyaient que sur un côté
de la fourchette de leurs estimations (l'hypothèse du réchauffement)
vont- ils enfin se rendre compte qu'il y a un symétrique
à leur mise en équation : l'hypothèse du
refroidissement ; avec, entre les deux, un vaste no man's land
de solutions intermédiaires ?
Ces mêmes scientifiques qui croient que " glaciers
" et " températures " varient toujours dans
le même sens prendront-ils enfin conscience que les précipitations
jouent dans la fluctuation glaciaire un rôle prépondérant,
pour ne pas dire capital ?
Dans notre société qui aime à ce que tout
soit prévisible et prévu en temps et lieu, et qui
pense que tout peut se négocier en terme d'assurance, de
contrat ou d'assistance, force est de constater que nous sommes
loin du compte ! Il est grand temps de revenir sur nos fausses
croyances et crier bien fort qu'à côté des
espaces de certitudes... bien minces, de larges espaces d'incertitudes
subsisteront partout et toujours.
C'est la raison pour laquelle l'observation naturaliste - longue,
continue, sérieuse..., ingrate quelquefois - doit être
privilégiée afin que son exploitation permette d'exprimer
toute la complexité des phénomènes et d'accompagner
nos politiques si souvent prises en défaut.
Les glaciers occupent aujourd'hui sur la terre une superficie de l'ordre de 15 millions de kilomètres carrés. Ils se répartissent de façon inégale dans les deux hémisphères : l'Antarctique (12,8 millions de km2 - 29,5 millions de km3) dans l'hémisphère austral, le Groenland (1,7 millions de km2 - 2,6 millions de km3) dans l'hémisphère boréal, sont les deux pièces majeures du dispositif, les autres glaciers du monde - les glaciers de montagnes - dominant dans l'hémisphère nord, occupant à peine, au total, que 0,5 millions km2 pour un volume de 0,2 millions de km3.
1) Inventaire régional de la glaciation actuelle
a) La glaciation de la zone polaire arctique
Dans un environnement climatique favorable, toute glaciation,
pour se développer, a besoin d'un support physique, d'un
soubassement rocheux ayant une certaine extension. C'est la raison
pour laquelle la glaciation des régions polaires boréales
respecte cette disposition en corolle bien connue, autour de l'océan
arctique. Les 2.160.000 km2 de glace - au total - que l'on rencontre
dans l'Arctique se distribuent entre quatre groupes : l'indandsis
du Groenland, l'archipel arctique canadien, les îles eurasiennes
et les autres îles artiques.
L'inlandsis (continental ice-sheet) du Groenland (pour 82%)
est une immense étendue de glace, suffisamment développée
pour que la topographie initiale soit complètement ennoyée.
Les caractéristiques essentielles de cet ensemble glaciaire,
le deuxième au monde après l'Antarctique, sont impressionnantes
: 2400 km de longueur entre le 60° et le 84° degré
de latitude nord, 2135 mètres d'altitude moyenne (socle
: 650 mètres), point culminant au Mont Watkins : 3700 mètres,
épaisseur moyenne : 1515 mètres, volume : 2 600
000 km3 de glace, ligne de névé : 1390 mètres.
Dans l'ensemble, la topographie sous-glaciaire du Groenland est
un immense bassin, d'altitude oscillant entre -250 et +250 mètres,
entouré de bordures montagneuses. Les glaciers émissaires
débitent (vêlent) des icebergs tant sur la côte
ouest que sur la côte est.
On peut distinguer deux parties dans l'inlandsis :
- au sud du 66° lat. N : un dôme de 400 km de large,
600 km de longueur nord-sud, culminant non en son centre mais
vers l'est, à 2760 mètres. Il aurait entre 1 et
1,3 millions d'années ;
- au nord du 66°, un dôme de 1000 km de large et 1700
km de longueur. Son âge supposé serait de l'ordre
de 10 millions d'années.
Les régions non englacées les plus vastes sont
méridionales et constituent de vastes plateaux littoraux
criblés de milliers de lacs bordés de moraines et
entaillés de larges réseaux de fjords. Cette zone
déglacée est appelée l'yderland.
L'archipel arctique canadien compte pour pour 10%.
Quatre îles principales entourent sur sa rive ouest la
mer de Baffin : l'île Bylot (2600 km2 de glace), l'île
Devon (vaste calotte de glace de 15 000 km2) , l'île Axel-Heiberg
(12 500 km2 de glaciers avec le Mac Gill icefield au nord et le
Schei icefield au sud ). L'île Ellesmere enfin (76-83 °
lat. nord) séparée du Groenland par le canal Kennedy
et le canal Robeson porte un " ice-cap " - une calotte
de glace - de 83 000 km2 (40% de la surface totale de l'île)
subdivisé en trois grandes calottes glaciaires et seul
secteur géographique de l'hémisphère nord
où se constituent des ice-shelves (2).
(2) un " shelf " est à l'origine une banquise qui, par suite de suraccumulations neigeuses, s'est progressivement transformée en glacier. L'originalité d'un shelf est son allure tabulaire, son épaisseur pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres . Des icebergs tabulaires de grande envergure se détachent parfois du rivage. Ce phénomène est très développé en Antarctique.
Les îles eurasiennes représentent 5%. La Terre François-Joseph regroupe une quarantaine d'îles vers 81° de lat. nord. 14 300 km2 sont englacés ; la Nouvelle Zemble, entre la mer de Kara et la mer de Barentz, a 21 000 km2 de glaciers constituant une calotte qui culmine à 900 mètres d'altitude ; la Terre du Nord est constituée de cinq îles principales entre le 78° et le 81° de lat. nord portant chacune une ou plusieurs calottes de glace culminant vers 600-700 mètres, pour un total de 16 000 km2 englacés.
Les autres îles arctiques comptent, elles, pour 3%.
L'Islande est riche de 11 250 km2 de glaciers répartis
entre cinq calottes : la plus grande, le Vatnajôkull au
sud-est (8390 km2), célèbre pour les interférences
volcans-glaciers que l'on peut y rencontrer (jôkullhaup,
sandùr...), culminant à 2042 m, avec une épaisseur
de glace proche de 800 à 1000 mètres ; l'Hofsjôkull
au centre (980 km2) ; le Langsjôkull au centre-ouest (1000
km2) ; le Myrdalsjôkull au sud (682 km2) et, enfin, le Draugajôkull
au nord-ouest (200 km2).
Le Spitsberg est Pile principale de l'archipel du Svalbard (11
425 km2 englacés) qui porte un certain nombre de glaciers
de calottes. À côté des plateaux glaciaires
du Spitsberg occidental (ex. plateau d'Isachsen), on rencontre
dans la Terre du nord-ouest englacée à 80% trois
ice-caps : la West fonna (2800 km2, épaisseur :380 mètres),
la Sôrfonna (2350 km2) et PAustfonna (5570km2).
Entre l'Islande et le Spitsberg, Pile de Jan Mayen, constituée
par un volcan culminant à 2340 mètres, porte une
quinzaine de glaciers dont trois parviennent jusqu'à la
mer.
b) Les glaciers des régions tempérées
L'englacement principal de I'Europe est localisé dans
le massif alpin, mais les glaciers les plus occidentaux se trouvent
dans la chaîne des Pyrénées.
Les Pyrénées ne portent plus que quelques petits
glaciers de cirque (10 km2 d'englacement), en particulier sur
le versant nord du Mont Perdu (3350 mètres) dans le massif
du Vignemale (avec le glacier d'Ossoue) sur le versant nord du
Pic Long et du Néouvielle, du Mont Troumouse, du Sehl de
la Baque, du Pic de Boum, et, enfin, côté espagnol,
des Pics de Posets et de la Maledetta.
Les Alpes possèdent une couverture glaciaire d'environ
3200 km2 dont la moitié se trouve en Suisse.
Les Alpes occidentales sont essentiellement françaises
mais des surfaces englacées non négligeables se
trouvent en Italie et en Suisse. Elles comptent un peu moins de
600 km2, surface inégalement répartie entre les
massifs des Alpes méridionales (4,5 km2), des Écrins-Pelvoux
(134 km2), des Alpes Graies (57 km2), de la Vanoise (85 km2),
du Grand Paradis (100 km2), du Mont-Blanc (177 km2) - avec le
glacier français le plus vaste : la Mer de Glace (40 km2)
-, et du Giffre (8 km2).
En Suisse, les 1500 km2 de glaciers se partagent entre le massif
du Mont-Blanc (pour une faible partie), l'Oberland bernois qui
porte le plus grand glacier des Alpes - le glacier d'Aletsch (115
km2, 24 kilomètres de longueur) -, les Alpes pennines avec
les glaciers du Gorner (67 km2) et de Fiesch (40 km2) , les principaux
massifs des Alpes orientales helvétiques : Bernina, Orties,
Presanella, Adamello (500 km2 au total de ces quatre derniers
groupes).
L'Autriche renferme environ 800 km2 de glaciers dont un peu moins
de la moitié (388 km2) dans l'Oetztal, le reste se distribuant
entre les massifs des Stubai, du Zillertal, du Gross Venediger,
jusqu'aux Hohe Tauern et aux Nieder Tauern à l'est. Le
plus grand appareil (dans le Gross Glockner) est le Pasterzenkees.
L'Italie possède tout le versant méridional de
la chaîne des Alpes. Une partie des 600 km2 de glaciers
se localisent sur les versants sud du massif du Mont-Blanc, des
Alpes pennines et de la Bernina. Seuls les massifs du Grand Paradis,
de l'Ortlès, de l'Adamello et des Dolomites sont entièrement
en territoire italien. L'Italie compte les glaciers les plus méridionaux
(44°07' pour le glacier du Clapier alors que les glaciers
les plus septentrionaux sont situés en Allemagne dans les
groupes du Hochkôning et de Zugspitze, 47°30') et orientaux
des Alpes (glaciers Canin et Ursic).
Le Caucase porte une petite glaciation - tout est relatif ! -
de l'ordre de 1650 km2 dont les trois-quarts se trouvent situés
en versant nord. Les glaciers se localisent sur tout l'ensemble
de la chaîne : Caucase occidental (420 km2), autour de l'Elbrouz
(5633 m), surmonté par une calotte de glace de 144 km2
de surface, Caucase central entre l'Elbrouz et le Kazbeck (5047
m) avec 900 km2 de glace et le Caucase oriental (142 km2).
La Turquie (au mont Arafat, 5165 m) et l'Iran (dans l'Alam Kouh
et le Demavend, 5678 m) portent quelques glaciers de faible envergure.
Abordons les glaciers d'Asie avec les groupes glaciaires de la
frontière sino-russe qui sont localisés principalement
dans le Tian Chan (2300 km2), chaîne séparant le
Kazakhstan du Turkestan chinois culminant au pic Pobiedy (7439
m.) et dans laquelle se conservent quelques très grands
glaciers (ainsi les glaciers Inyltchek, 65 km de long, et Koilav,
60 km) dans l'autre grand groupe situé en République
populaire de Chine : le Nan Chan (1280 km2 englacés) ainsi
que dans les autres grands massifs montagneux de cette partie
de l'Asie : l'Alai (411 km2 de glaciers), le Pamir (1200 glaciers,
dont le fameux glacier Fedtchenko de 77 kilomètres de longueur,
pour une surface englacée de 8000 km2, l'Indou-Kouch enfin,
qui culmine à 7700 m au Tirich-Mir, et possède environ
3900 km2 de glaciers.
Décomposons à présent l'ensemble Karakoram-Himalaya.
Avec le Karakoram et son prolongement méridional du Nanga-Parbat,
nous sommes en présence du plus grand groupe glaciaire
en dehors des régions polaires : 13 660 km2 de glaciers
(soit près de 28% de sa surface) aux flancs de montagnes
avoisinant très souvent 8000 mètres (8614 m au K2
, 8115 m au Nanga-Parbat) ! Les glaciers portent des noms célèbres
: Batura, Chogo-Lungma, Hispar, Biafo (Karakoram ouest) ; Baltoro,
Siachen (Karakoram est). Quant à l'Himalaya, entre la péninsule
indienne et le Tibet, il constitue aux alentours de 28° de
latitude nord - en limite du domaine tropical - une chaîne
montagneuse de plus de 2000 km de longueur. Les altitudes très
fortes (Mont Everest, 8848 mètres, mais aussi Daulaghiri,
8147 m, Kangchenjonga, 8579 m, etc.) jointes à la mousson,
ont permis, sur le versant sud, la mise en place de grands espaces
englacés totalisant une surface de l'ordre de 5000 km2.
L'Alaska à la limite septentrionale du domaine tempéré,
est marqué par une importante glaciation que justifient
les actions combinées de l'altitude et de l'océan
par l'intermédiaire du courant de l'Alaska. Ce courant
pourtant froid, mais relativement tiède par rapport au
climat environnant, apporte, en effet, une forte humidité
(plus de 5 mètres de précipitations) qui alimente
un réseau dense de glaciers souvent puissants (ex. du glacier
Malaspina, gigantesque glacier de 2200 km2 de superficie, 100
km de longueur et de 600 mètres d'épaisseur et dont
la partie terminale s'étale sur le piémont en un
fantastique lobe, quasi circulaire !). Au total, ce sont plus
de 90 000 km2 de glaciers qui se juxtaposent en un ensemble majestueux
Régionalement, la glaciation alaskienne peut se subdiviser
en plusieurs grands ensembles :
- à l'ouest, les Aléoutiennes, chapelet d'îles
volcaniques, portent sur les flancs des cônes volcaniques
des groupes de glaciers disposés de façon radiale
autour des cratères. Le plus célèbre de ces
volcans est le Katmai, connu pour sa forte explosion de 1912 qui
aboutit au dépôt d'une épaisse couverture
(près de 3 mètres) de pierres ponces sur les parties
basses des glaciers, en limitant ainsi l'ablation ;
- au centre et à l'est, trois chaînes parallèles
à la côte se succèdent du nord au sud, et
portent les imposantes masses de glace signalées ci-dessus
: la cordillère de l'Alaska dominée par le Mont
Mac Kinley (6187 mètres, point culminant de l'Amérique
du Nord), les Monts Wrangel (Mont Wrangel, 4270m) émettant
de multiples langues glaciaires, la cordillère côtière
(entre Cook Inlet et l'archipel Alexandre) qui regroupe elle-même
de grands secteurs englacés (la péninsule Kenai,
2070 m, les Monts Chugach, 4005 m, la chaîne du Mont Saint-Elias,
5955 m) ;
- au sud (59° lat. nord), le Juneau icefield soutient la
comparaison avec les grands glaciers du nord ; culminant à
2470 m, il couvre à lui seul 2200 km2 ;
- plus méridionale encore, vers le 51° de latitude,
mais au Canada, la cordillère de la côte et le début
des Montagnes Rocheuses - autour de Banff - comptent encore, grâce
à des précipitations supérieures à
5 mètres, quelques ensembles glaciaires intéressants.
L'altitude des fronts remonte nettement (supérieure à
1500 m) ce qui souligne bien à la fois la descente en latitude
et l'éloignement progressif du pôle.
Les États-Unis proprement dits (hors Alaska) appartiennent
aux latitudes tempérées moyennes et ressemblent
beaucoup, en termes d'englacement, aux groupes européens
méridionaux.
Un millier de petits glaciers (le plus grand d'entre eux, le glacier
Emmons sur le Mont Rainier, n'a que 10,7 km2), pour une superficie
totale de 500 km2, sont répartis principalement sur la
chaîne côtière très arrosée par
les dépressions pacifiques. Les fronts glaciaires s'y rencontrent
peu au-dessus de 1200 mètres. Les massifs englacés
que l'on retrouve du nord au sud sont le Mont Olympus, 2423 m
(avec le Blue glacier), la chaîne des Cascades (glaciers
Coleman et South Cascade). Le Mont Whitney, 4410 m, le plus haut
sommet des États-Unis (hors Alaska), pourtant situé
plus au sud, ne porte pas de glaciers : c'est que la Californie,
par suite de la présence des eaux froides du courant homonyme,
a des précipitations très faibles au contraire de
l'État de Washington, plus septentrional. Les glaciers
ne se rencontreront plus que sur les reliefs volcaniques dont
les altitudes le permettent : Le Mont Rainier (4380 m) autour
duquel rayonnent vingt-cinq glaciers pour une surface totale de
80 km2, le Mont Hood (3421 m),le Mont Adams (3751 m) et le plus
méridional, le Mont Shasta (4330 m).
Les Montagnes Rocheuses possèdent une petite glaciation
(glaciers haut perchés, supérieurs à 4000
mètres) dans le Wyoming et dans le Colorado.
Le Mexique est, lui aussi, affecté par la glaciation actuelle
au niveau de ses trois plus hauts volcans : le Citlatepetll (5675
m) avec 9 km2 de glaciers, le Popocatepeti (5452 m) avec moins
de 1 km2 englacé, et l'Iztaccituatl (5286 m) qui ne porte,
lui, qu'1 km2 de glace.
c) Les glaciers équatoriaux et tropicaux
Tous ces glaciers qui ont l'originalité de subsister
sous des climats chauds doivent leur survie au fait qu'ils sont
situés à de fortes altitudes, généralement
supérieures à 4000 mètres (jusqu'à
6550 m au sommet du glacier bolivien de Sajama). Ce sont généralement
de petits glaciers, très sensibles aux variations climatiques,
caractérisés par une saisonnalité très
marquée de l'accumulation qui s'effectue lors de la saison
humide tandis que l'ablation peut être aussi bien un phénomène
de saison humide que de saison sèche.
En Amérique du Sud, les principaux ensembles glaciaires
sont localisés en Colombie (Sierra de Santa Marta, Cordillère
centrale, sur les sommets du Nevado El Ruiz, de Tolyma et de Cocuy),
au Venezuela (cordillère de Mérida), en Équateur
(sur les volcans du Chimborazo, 6310 m, et du Cotopaxi, 6005 m),
au Pérou (les cordillères Blanche et Huayhuach,
entre 8°45 et 10°30 de latitude sud, comptant au total
près de 1000 km2 de glaciers - dont les glaciers du Huascaran
qui, malmenés par une forte sismicité, sont à
l'origine en 1971 de la catastrophe de Yungai qui fit 20 000 morts,
la cordillère Carabaya qui porte sur un vaste plateau,
à 5000 m d'altitude, le fameux ice-cap de Quelccaya, vaste
de 70 km2), en Bolivie avec les cordillères Quimsa Cruz,
occidentale et Real (avec, entre autres, le glacier Chacaltaya
étudié par les glaciologues de l'Orstom). Dans le
grand nord du Chili - de la frontière péruvienne
au 28° de lat. sud -, le climat est extrêmement sec
à cause de la présence voisine du courant froid
de Humboldt. Ce n'est donc qu'exceptionnellement que l'on rencontre
des petits glaciers sur les sommets pourtant très élevés
(supérieurs à 6000 m).
Au total, ce sont près de 2800 km2 de glaciers - soit
approximativement la surface englacée des Alpes - qui occupent
l'espace andin intertropical.
En Afrique, la glaciation est très limitée (8 km2).
Les glaciers ne se trouvent que sur les volcans atteignant des
altitudes confortables de près de 5000 mètres (Ruwenzori,
5119 m, et Kenya, 5194 m).
En Asie, si l'on excepte la glaciation subtropicale de l'Himalaya,
le seul témoin concret de glaciation équatoriale
se trouve sur le Mont Karstenz en Nouvelle Guinée (3 km2).
d) Les zones tempérées de l'hémisphère austral
L'Amérique du Sud peut, glaciologiquement parlant,
se subdiviser en trois grands ensembles qui se partagent entre
le Chili et l'Argentine. Les Andes de Santiago et de Mendoza (32
à 35° de lat. sud) renferment un très grand
nombre de glaciers et des surfaces cumulées respectables,
témoignages d'une glaciation déjà puissante
: 700 km2 au Chili, 600 km2 en Argentine. Les principaux massifs
englacés sont le massif de l'Aconcagua en Argentine à
6954 m (70 km2 de glaciers), le massif du Nevado Juncal au Chili
(6110 m et 280 km2 de glace), le volcan Tupungato en Argentine
(6550 m et 239 km2 de glace), le volcan San José, 5830
m, et le massif du Loma Larga, 5380 m, au Chili, pour 53 km2 de
glaciers ; enfin, toujours en territoire chilien, les Picos del
Barroson et l'Alto de los Arriéres, d'altitudes inférieures
à 5000 mètres avec environ 200 km2 de glaciers,
au total. Les fronts des glaciers les plus bas se situent vers
2500 mètres.
Les Andes chiléno-argentines (35 à 46° de lat.
sud) : alors que l'altitude des Andes s'abaisse, la glaciation
elle-même s'affaiblit se réduisant à de petites
nappes de glace sur les plus hauts sommets volcaniques comme le
Tinguirrica (4300 m), le Petroa (4090 m) et le Domuyo (4800 m).
La Patagonie méridionale (au sud du 46° de lat. sud)
: le climat est marqué par les " westerlies "
et l'invasion par un air froid et humide (plus de 5000 mm annuels,
7000 mm dans le sud !). Ceci explique le maintien de milliers
de petits glaciers mais surtout des deux grands icefields de l'hémisphère
sud en dehors de l'Antarctique :
- le Hielo Patagonico du nord qui couvre une superficie de 4500
km2 et a une épaisseur de 1400 mètres. Les langues
émissaires constituent de puissants glaciers de piémont
descendant tout près des rives du Pacifique ou se jetant
dans des lacs où ils vêlent des icebergs ;
- le Hielo Patagonico du sud est le plus grand des deux. Il s'étend
du nord au sud sur 360 km pour 40 puis 90 km de large (surface
proche de 19 000 km2). Il recouvre des crêtes d'environ
2000 mètres et alimente de puissantes langues glaciaires
débouchant le plus souvent dans des lacs côté
argentin (lac Viedma, lac Argentine) ou dans le Pacifique, côté
chilien.
Les lies australes (entre les 49° et 54° de latitude
sud) rappellent par certains de leurs traits les îles arctiques.
Elles sont, malgré des latitudes relativement faibles -
surtout si l'on poursuit la comparaison avec l'hémisphère
nord - de type polaire. L'île principale de l'archipel des
Kerguelen porte dans sa partie occidentale une calotte de glace
d'environ 700 km2 (la calotte Cook) dont les émissaires
descendent pratiquement jusqu'au niveau de la mer. Au nord et
au sud de l'île, les sommets des montagnes et des volcans
(éteints) sont englacés beaucoup plus modestement.
Les autres îles (Heard, Géorgie du Sud, Bouvet) sont
largement englacées.
La Nouvelle Zélande porte, dans ses Alpes du sud (43 à
45° de latitude sud) et le long de la côte ouest largement
ouverte aux dépressions océaniques (4 à 6
mètres de précipitations), une couverture de glace
d'environ 1000 km2. Les plus importants glaciers se trouvent au
voisinage du Mont Cook (3764 m) le plus grand d'entre eux étant
le glacier Tasman (28 km de long, 55 km2).
e) L'inlandsis antarctique
C'est assurément le plus grand glacier du monde ! Son
étude a commencé en 1820 lorsque l'expédition
Bellinghausen, financée par la Russie, confirma l'existence
à cet endroit d'un véritable continent de glace.
Un peu plus de 14 millions de km2 si l'on tient compte de l'espace
continental et des shelves (shelf de Ross, shelf de Filchner,
shelf de Larsen, shelf de Shackelton, shelf d'Amery : cf. définition
supra) qui couvrent près de 1 500 000 km2. Culminant à
plus de 4000 mètres, l'Antarctique contient approximativement
28 millions de km3 de glace soit 90% du total terrestre. L'altitude
de sa surface croît fortement près des zones côtières
pour culminer à 4200 mètres dans les régions
centrales en même temps que les températures moyennes
annuelles passent de -10° C au niveau de la mer, à
- 60 °C au centre de la calotte. Les épaisseurs de
glace atteignent 4300 mètres, ce qui indique la marque
d'une subsidence du socle au-dessous du niveau de la mer. L'accumulation
annuelle est très faible mais grâce aux températures
très rigoureuses, les quantités de neige stockées
puis transformées en glace sont considérables (valeurs
de l'accumulation annuelle 20 à 60 g/cm2 près de
la mer jusqu'à 3g/cm2 dans les régions centrales).
L'épaisseur moyenne de glace est estimée à
2160 mètres alors que l'altitude moyenne de l'inlandsis
est de 2200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Au contact
du continent, les glaces marines sont permanentes, ne se disloquant
qu'à peine pendant l'été. Au-delà,
elles deviennent saisonnières, s'étendant jusque
vers le 60° de latitude sud.
Le continent antarctique ou " Antarctide " comprend
deux parties séparées par une grande faille, la
chaîne des Monts trans-antarctiques prolongée au
nord par la péninsule antarctique. La calotte glaciaire
et le socle rocheux ont été cartographiés
à partir de toutes les données recueillies depuis
l'année géophysique internationale (1957) dont nous
avons parlé plus haut.
À l'ouest du méridien de Greenwich, l'Antarctide
occidentale, d'une superficie égale à 2 500 000
km2 est une chaîne englacée de type alpin, prolongement
des Andes et qui constitue la terminaison de la ceinture de feu
du Pacifique, accidentée de volcans. L'Erebus dans l'île
de Ross est le seul volcan actif de l'Antarctique.
À l'est, l'Antarctide orientale est constituée par
un socle précambrien sismiquement stable, avec des intrusions
de gneiss et de micaschistes, telles les nunataks de la Terre
de la Reine (chaîne de Sôr-Rondane). Elle a, dans
son périmètre, à la fois le pôle sud
géographique et le pôle d'inaccessibilité
(83° sud et 53° est). Sous les 4000 mètres de glace
a été découvert récemment (A.P. Kapista
et al. 1996) non loin de la station de Vostock, un immense
lac sous glaciaire d'eau douce, d'environ 10 000 km2 (l'équivalent
du lac Ontario) et profond de près de 125 mètres.
La calotte de glace qui couvre l'Antarctide orientale s'écoule
par l'intermédiaire d'une multitude d'émissaires
en disposition radiale et dont les plus importants sont le glacier
Lambert de 300 kilomètres de long, les glaciers Mulock,
Byrd, Nimrod, Beardmore, Schackleton, Amundsen, Scott, etc. Tel
quel, l'Antarctique constitue un formidable outil pour l'étude
des climats mais aussi pour notre quête de la glaciation
permanente. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces préoccupations
majeures qui passionnent la communauté scientifique.
Dans l'immédiat, il apparaît primordial, en conclusion
à cette partie " inventaire " de l'étude
de la glaciation actuelle, de regrouper les observations que nous
avons fournies ici ou déjà publiées ailleurs,
et de procéder à une synthèse de I' information.
2) La glaciation actuelle, modèle d'étude ?
La connaissance intime de la glaciation actuelle se révèle souvent essentielle pour mieux appréhen-der la connaissance intime et le devenir des paléo-glaciations. S'il est difficile de résumer en quelques têtes de chapitres une information aussi riche que variée (il convient ici de consulter largement les revues, annales et traités spécialisés dans lesquels sont publiés articles, thèses et autres comptes rendus de mission), au moins pouvons-nous insister sur sept points qui semblent fondamentaux pour notre étude.
a) La glaciation est un phénomène continental, terrestre (les glaces marines font partie de son environnement mais ne seront pas prises en compte ici) et résulte principalement de l'accumulation de la neige (d=0.04 à 0.4) puis de sa métamorphose en névé (d=0.6) et en glace (d=0.9). Les glaciers se développent principalement dans les zones polaires (97%) et secondairement, sur les hautes montagnes du monde (3%) : cf. enquête Unesco et résultat de l'inventaire mondial des glaciers. Nous l'avons dit, ils occupent approximativement, sur la terre, une surface de 15 millions de kilomètres carrés, soit environ 10% de la surface des continents. En volume, ces 30 millions de kilomètres cubes représentent 80 % de l'eau douce du monde.
b) Les altitudes des fronts glaciaires varient de 0 (les glaciers ont alors des fronts marins ou terrestres) dans les régions polaires, à 4500 mètres dans la zone équatoriale ; la même disposition étant enregistrée sur les trois fuseaux méridiens continentaux : Amériques, Eurafrique, Asie. Les latitudes qui portent les plus grandes quantités de glace sont dans un ordre décroissant : les zones polaires, les zones tempérées et enfin les zones intertropicales. Il faut souligner le rôle des systèmes montagneux qui, en dehors des zones polaires, grâce à leurs altitudes, compensent les effets du réchauffement provoqué par la diminution de la latitude. Elle marque aussi combien sera importante pour la connaissance des paléoglaciations, la localisation et la période de formation de ces montagnes.
c) La distribution des masses glaciaires, la forme même des glaciers (types variés) ainsi que leur rythme de vie sont très dépendants des données géomorphologiques, tectoniques et structurales. Dans les Alpes occidentales par exemple les données structurales sont omniprésentes et ont abouti à la constitution des véritables réseaux glaciaires, groupements plus ou moins lâches de glaciers dont la disposition est elle-même susceptible de renforcer ou d'affaiblir la glaciation régionale en modifiant les climats locaux de la haute montagne. Il existe une dépendance totale, à toutes les échelles de taille, du fait glaciaire par rapport à la structure, que ce soit à la tectonique ou à la lithologie (cf. R. Vivian, 1975).
d) Les glaciers ont des rythmes de fluctuation indépendants les uns des autres. Ils reflètent, autant sinon plus, les données physiques que les états climatiques successifs (cf. à titre d'exemple les diagrammes construits avec les informations des Eaux et Forêts et du Laboratoire de glaciologie CNRS en France, ainsi que du C.A.S. en Suisse.) Dans des situations et des positions extrêmement proches comme les glaciers du versant Nord du massif du Mont-Blanc, soumis aux mêmes flux météorologiques d'ouest et situés dans des tranches d'altitudes comparables, l'on constatera avec intérêt les avancées et reculs non concordants de la Mer de Glace et du glacier des Bossons. Leurs morphologies, leurs configurations, leurs pentes, leurs encaissements aussi, sont autant de facteurs explicatifs de l'apparente anomalie comportementale.
e) L'exploration des sites sous-glaciaires a permis de souligner l'opposition de glaces " tempérées " avec une température proche de zéro degré centigrade à l'interface glace-roche et de glaces " froides " (interface à une température nettement négative donc empêchant la fusion par surpression). L'érosion des glaciers " tempérés " s'articule autour d'un triple processus : l'abrasion, l'arrachement (associé au défonçage pro-glaciaire à l'avant du glacier) et surtout l'érosion par les eaux sous glaciaires particulièrement agressives du fait de leur viscosité (due à des températures basses) favorisant la portance des sables ainsi que de leurs fortes vitesses (30m/s) dues aux mises en pression fréquentes sous les glaciers. Au contraire, la phase liquide de l'eau est pratiquement absente sous les glaciers froids qui procèdent surtout par arrachement et abrasion. On a pu noter par ailleurs la pureté de la glace et la faiblesse des dépôts sous-glaciaires régulièrement charriés et transportés sous les glaciers tempérés avant d'être répandus sur les délaissées glaciaires (cf. R. Vivian, 1980). Les glaciers froids, au contraire, du fait de l'absence d'écoulements hydrauliques sous-glaciaires, peuvent charrier d'importantes masses de dépôts. Nous verrons l'importance de ces observations lorsque nous évoquerons le problème des régimes thermiques de feu les paléo-glaciers !
f) Les dépôts glaciaires les plus puissants se trouvent sur les rives des glaciers de montagne (moraines latérales hétérométriques) et dans les zones de glace mortes frontales et latérales des glaciers et calottes polaires (dépôts plus ou moins remaniés par l'eau, donc quelquefois stratifiés). Dans les domaines polaires, au droit des glaciers de calottes ou des inlandsis, nous avons pu constater combien les glaces mortes pouvaient être des éléments originaux de la morphologie glaciaire (R. Vivian, 1965). Vulnérables à l'action des eaux courantes, incapables d'évacuer les débris morainiques ou fluvio-glaciaires s'accumulant sur elles et dans les thermo-karsts s'y développant, les glaces mortes en fondant progressivement modifient continuellement les conditions de déposition et par conséquent les dépôts eux-mêmes. Aussi n'est-il pas surprenant de retrouver dans ces accumulations de glaces mortes une superposition fréquente de matériaux de types et de faciès différents. La cohésion et le compactage de ces dépôts sont eux-mêmes favorisés par le développement de sols gelés qui rendent possibles les recouvrements par des avancées tardives de langues glaciaires actives.
g) Hétérométriques (à l'origine) ou stratifiées (voire litées ou varvées en fonction des interventions de l'eau et des conditions de sédimentation), les accumulations morainiques peuvent prendre l'aspect de dépôts compactés comme ceux décrits ci-dessus : ce sont les tillites (le terme de " boulder clay ", argile à blocaux, est le plus souvent réservé aux sédiments " anciens " dont l'origine glaciaire n'est pas avérée, cf. M. Deynoux, 1980). Le terme de " till " a été introduit dans la littérature scientifique en 1863 par A. Geikie pour désigner, en Écosse, une argile compacte comportant des galets et blocs de toutes tailles, provenant de l'érosion glaciaire, transportée puis déposée par le glacier. A. Penck proposera plus tard (1906) son équivalent pour les roches indurées : " tillite ". Dans le prolongement de ce rappel de définitions, reprenons également les définitions retenues par Deynoux pour dépôts glaciogéniques (sédiments transportés puis déposés par un glacier actif, ou libérés par la fonte de la glace et qui ont pu subir, postérieurement à leur dépôt, des déformations mais aucun remaniement important) et dépôts glaciaires de remaniement qui correspondent à tous les sédiments transportés primitivement par la glace mais qui, après, ont été repris par un autre agent de transport, essentiellement l'eau ou le vent, avant de se déposer sur le continent ou en mer. Ces définitions nous plongent tout droit dans le domaine des paléo-glaciations dont il faudrait étudier l'existence et les successions.
Robert Vivian, mai 2007.
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