Il aura fallu presque deux mois depuis le
départ brutal de Robert, le 22 mai 2007, pour que je puisse
enfin prendre le clavier pour tenter d'écrire ces quelques
lignes, tant ce départ m'a bouleversé et me bouleverse
encore. C'est que Robert était un ami, au sens fort du
terme. Il fut également mon mentor (aussi mon patron, de
1989 à 1993), alors qu'il fit de moi son conseiller et
son éditeur numérique. Avec Robert, l'amitié
n'était jamais au chômage ! Elle était interactive,
productive, jubilante, exigeante et vive.
Robert et moi n'aurions jamais dû nous rencontrer. Professeur
des universités en géographie, éminent glaciologue,
il uvrait dans des domaines si éloigné des
miens... Par ailleurs, il adorait la montagne que je ne supportais
pas (sensation d'écrasement et d'étouffement). C'est
que Robert n'était pas un glaciologue de salon, beau parleur
pour les plateaux de télévision. Il avait arpenté
les grands glaciers de la planète comme en témoignent
les ouvrages qu'il nous laisse et les photographies qu'il m'avait
demandé de publier sur le web (voir l'album photo de Robert
Vivian - ainsi qu'articles et biobibliographie - accessible depuis
l'écran d'accueil du site www.pognant.net et sur www.virtedit.org).
J'ai connu Robert au milieu des années 80, grâce
à son fils Christophe (avec qui je travaillais ponctuellement
à l'époque héroïque du vidéodisque)
et qui nous a fait nous rencontrer. Le courant est immédiatement
passé entre nous et nous avons commencé à
envisager diverses collaborations. Ce qui intéressait Robert
chez moi, je crois, c'était, d'une part, mes compétences
dans le domaine des TIC (Technologies d'Information et de Communication)
et, d'autre part, mon goût et ma maîtrise de l'écriture
(j'avais entre autres été correcteur-préparateur
pour les maisons d'édition).
Ce goût de l'écriture, du verbe juste, du mot sonnant
et trébuchant, cela, c'était quelque chose que nous
partagions et qui participait grandement à notre amicale
complicité. Il poussa loin ce goût de l'écriture
en publiant quelques romans dans lesquels la montagne fut toujours
protagoniste.
Robert m'entraîna avec lui dans la belle aventure de l'Observatoire
Loire. Quelle gageure ! Missionné par le ministère
de l'Environnement, notre ami fut chargé en 1989 de monter
un outil permettant d'offrir une gestion globale du plus grand
bassin versant français (1/5e du territoire !), à
savoir le bassin ligérien, en mettant en avant les solidarités
de bassin, tant du point de vue géographique que culturel.
Il changea l'anorak et les crampons pour l'imperméable
et les bottes et il se mit à arpenter (et à faire
arpenter à ses quelques collaborateurs) ce magnifique bassin
de la Loire impliquant neuf régions et une trentaine de
départements. Robert fit appel à moi dès
le démarrage de la mission et je dus fort rapidement m'initier
aux problématiques environnementales... Entre autres, il
me confia la charge de la communication et de l'animation socioculturelle.
Infatigable, Robert se révéla un " formidable
" meneur d'hommes (j'ai guillemeté " formidable
" car c'est un mot qu'il aimait et employait souvent). Il
ne ménagea pas sa peine pour convaincre les élus,
les associations et les populations du bien fondé d'une
démarche particulièrement innovante (à l'époque,
il fallait remettre en question la volonté farouche des
tenants de la construction de nouveaux barrages...). Pour des
raisons politiques, l'Observatoire ne vit jamais le jour (sauf
sous la forme d'une association de préfiguration). Mais
les idées qui furent semées pendant quatre ans (de
1989 à 1993) ont fini par germer et après tout,
n'est-ce pas là, la vraie réussite ?
Il y aurait tant de choses à écrire sur Robert (entre
autres son passage au Parc des Cévennes dont il fut président)
pour retracer cette vie bien remplie mais trop vite brisée
: en effet, je n'ai évoqué dans ces lignes que ce
que j'ai partagé directement avec lui et ce qui ne faisait
pas partie de nos secrets. J'aurais aimé parler de nos
audaces, de nos fous rires, de nos enthousiasmes, de nos déceptions,
de nos rares coups de gueule sans quoi l'amitié ne saurait
porter ce nom, de nos projets aussi... Ah ! que la vie est injuste.
Robert était encore un jeune homme qui avait encore beaucoup
à construire, à transmettre, à offrir.
Pour finir, je souhaite ajouter l'importance qu'il a eue dans
ma vie puisqu'il m'a exhorté à reprendre mes études,
à passer un doctorat et à devenir enseignant-chercheur.
Je n'aurais jamais entrepris tout cela sans lui. Il me souvient
de notre voyage en Suisse, à Archamps je crois, où
il me fit donner des cours sur la communication environnementale.
Outre qu'il fut le révélateur d'un sens de la pédagogie
que j'avais en moi, il me donna alors d'inoubliables leçons
d'enseignement que je continue à mettre en uvre aujourd'hui.
Voilà. Il faut mettre le point final à cet hommage,
sans doute maladroit. J'ai surmonté mon chagrin et mon
émotion pour aller à l'essentiel. Robert continuera
de vivre à travers ses livres, ses articles, ses photographies
mais aussi dans le cur des siens, de ses amis et de tous
ceux qui ont approché cette personnalité hors du
commun. Je resterai jusqu'à mon dernier souffle un modeste
gardien de sa mémoire.
Salut Robert ! Salut professeur, salut le scientifique, salut
l'artiste. Mais surtout, salut l'ami. Tu me (nous) manques tant.
Patrick Pognant,
Paris, 20 juillet 2007.
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